L’emprise : « Comment ai-je pu me laisser faire ? »

Cynthia est abasourdie.  Elle prend conscience qu’elle est sous l’emprise de son mari.  L’incrédulité et l’incompréhension se traduisent dans son questionnement :

Comment est-ce que j’ai pu me laisser faire ?
Pourquoi je n’ai rien vu venir ?
Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?

Comme la quasi-totalité des victimes, elle pense qu’elle aurait dû faire autrement et qu’elle y est pour quelque chose.  La réalité est tout autre.

Posez-vous ces questions et vous verrez :

Est-ce que c’était votre désir d’être dans cette situation d’emprise ?
Avant d’être dans cette situation aviez-vous les connaissances pour identifier l’emprise et des outils pour vous en sortir ?

Si vous avez répondu « non » à ces deux questions, vous ne pouviez pas faire autrement.  Cela fait découler deux vérités :

  • Ce n’était pas mon désir, mais la volonté de l’autre de me dominer et de nuire. 

  • Puisque je ne savais pas comment identifier une situation d’emprise et que je ne possédais pas les outils pour m’en sortir, je ne pouvais pas faire autrement.  

La conclusion c’est que je n’ai pas voulu ça, ce n’était pas de ma faute, je n’ai rien fait pour « mériter »  cela : c’est l’autre qui est violent. 

L’emprise, une violence sournoise

Même à l’âge adulte, on n’arrive pas à croire que cette violence intentionnelle puisse exister.  Pour comprendre comment on a pu se faire avoir, il est nécessaire de regarder l’autre – l’auteur et l’initiateur des faits.

L’autre met en place progressivement un processus qui se répète et s’intensifie à chaque cycle sur le long terme.  Il faut savoir que ce processus sera plus rapide chez l’enfant que chez l’adulte car ce premier n’est pas à même de s’opposer à l’autorité que représente l’adulte, que celui-ci paraît gentil ou non.  

Nous allons décrypter ce processus insidieux mis en place par l’agresseur.  L’agresseur suivra ce « modèle » même si sa façon de faire est selon sa personnalité, ses préférences :

  1. L’agresseur cherche une victime.  Il voit une opportunité et la saisit : l’autre ne sait pas qu’il est « méchant » car il cache bien son jeu.  Elle devient d’emblée sa nouvelle proie.  

  2. La séduction.  L’agresseur trouve une vulnérabilité chez l’autre (un désir, un besoin légitime) et promet d’y répondre ou y répond dans le seul but de séduire.  Il fait croire qu’il est gentil, digne de confiance, le héros du moment.

  3. Lancer des petites piques.  Lorsque la victime commence à faire confiance, croit qu’il est gentil et donc baisse ses gardes, l’agresseur va maintenant lancer des petites piques (des petites attaques physiques qu’il qualifiera de « taquineries » ou critiques verbales sur elle ou son entourage).  Parce qu’elle est en confiance, ces micro-attaques vont passer outre ses mécanismes de défense.  Elle ne les aimera pas, mais acceptera comme étant maladroit, ou c’est elle qui est trop sensible.

  4. Des actes imprévisibles.  Un moment il va aimer, flatter, séduire ; un autre  moment il va attaquer, piquer, critiquer, rabaisser, humilier, ignorer, mettre en doute…  La victime ne sait plus sur quel pied danser car tout est changeant, instable, imprévisible.  L’ambiance est anxiogène et la peur s’installe.

  5. Sidérer l’autre.  L’imprévisibilité et l’alternance des micro-agressions rendent la victime confuse.  Elle n’arrive plus à réfléchir, elle perd son esprit critique, ne comprend rien, se sent perdue.  Elle va perdre son confiance en elle petit à petit, va douter de ses compétences, sa capacité à agir - au point où elle se résigne et ne réagit plus pour « avoir la paix ».

  6. Déplacer la faute pour culpabiliser l’autre.  Si elle ose agir, rouspéter, il va dire qu’elle en est responsable, que c’est de sa faute, qu’elle l’a provoqué/cherché ou qu’elle sait très bien ce qu’elle a fait.  Bien sûr, c’est faux, car il ment.  La victime n’est jamais responsable des actes de l’agresseur.  JAMAIS.  La victime va néanmoins se croire responsable et va essayer de « comprendre ».  Mais, comment comprendre la violence… ? L’incompréhension va à son tour nourrir la confusion mentale.

  7. Minimiser ses actions.  S’il sent qu’il perd sa victime, qu’elle résiste encore, il pourrait minimiser ses actions en disant que « ce n’est pas si grave », « ce n’était qu’une petite gifle », « je ne sais pas comment j’ai pu agir comme ça ».  Doublé de fausses excuses « je suis vraiment désolé », « donne-moi une autre chance, je t’aime tellement », « ça ne se reproduira plus, je te jure », il donne une lueur d’espoir à la victime.

  8. Le conditionnement et dépersonnalisation de l’autre. En sidérant la pensée de sa victime, en semant la confusion, l’agresseur réussit à contrôler sa pensée et son comportement – des éléments vitaux de sa personnalité.  Elle ne résistera plus car il l’a habituée à accepter la violence comme la nouvelle norme et elle n’en a plus l’énergie psychique ou physique pour y faire face. 

Si ce descriptif correspond à ce que vous vivez, ne restez pas seule.  Cherchez de l’aide extérieur : une personne de confiance, un professionnel formé au repérage des violences (association, thérapeute, police/gendarmerie, assistante sociale, médecin, pharmacien, juriste/avocat…).  Une personne compétente vous croira, vous rassurera que ce n’est pas de votre faute et elle vous aidera à vous en sortir.

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